by Frédéric Monsonnec – Auteur depuis 2008 du blog Foilers
Texte originele ici
Non non, George Lucas n’avait pas prévu de faire voler E.T. l’extraterrestre à bord d’un hydroptère (enfin je ne le pense pas).
E. T. c’est aussi le grand Eric Tabarly qui, d’une certaine manière, était un extraterrestre ! Les photos du bel hybride que pilota Eric Tabarly en 1976, ont du faire naitre des vocations de pilotes d’engins à foils (au moins une!).
Photo Bernard Deguy 1976
La genèse
L’idée d’utiliser des hydrofoils, Eric Tabarly, l’avait déjà fin 1971. Il souhaitait développer un foiler pour améliorer la stabilité d’un trimaran de course tout en diminuant la trainée (il avait croisé Williwaw le premier foiler océanique en 1969 aux USA). En 1975, il rencontre Alain de Bergh et Claude Picard ingénieurs chez Dassault. Le duo, qui va s’intéresser au projet d’Eric Tabarly, va se transformer en trio avec l’arrivée de l’aérodynamicien Pierre Perrier. Puis en quatuor avec le professeur Tsen du CEAT ENSMA de Poitiers. C’est Alain de Bergh qui, après plusieurs semaines de recherches, propose d’étudier la possibilité de faire voler l’engin. En 1975 des essais en soufflerie sont réalisés, des foils sont testés à l’école nationale supérieur de mécanique aéronautique de Poitiers (ENSMA) et une maquette sur un plan d’eau (tractée par une canne à pêche !)…
En 1976, au retour du Triangle Atlantique qu’il vient de gagner avec Pen Duick VI, Eric Tabarly rencontre Jean Garnault professeur à l’IUT Génie civil de La Rochelle. Jean Garnault lui propose de construire la maquette navigante de son projet. Cette maquette devait permettre de valider les idées d’Eric et des ingénieurs de Dassault. Idées qui, à l’époque, faisaient sourire certains. La maquette devait surtout permettre d’observer le comportement d’un hydroptère à voile en navigation. En Angleterre et en France, d’autres engins de ce type existaient déjà comme ceux de Claude Tisserand (Véliplanes) ou de Roland Tiercelin (Trimama, Triplane …), mais l’engin réalisé par Jean Garnault allait permettre de valider les premières esquisses du projet.
Réalisation
La bête fut construite à partir de la coque centrale d’un Tornado, de son gréement, d’un profil de mat pour le bras de liaison, de flotteurs en contre plaqué stratifié et de foils à priori eux aussi en CP stratifié. Le safran était équipé d’un empennage en V dont l’incidence était réglable en tournant la barre sur elle-même (rotation d’un pas de vis, puis d’une crémaillère fixée en tête de safran).
Pour augmenter la surface du pont, une plaque de contre plaqué avait été rajoutée sur la coque centrale. Sur chaque côté de cette plaque, étaient fixés 2 répétiteurs (girouette, anémomètre …). Cette plate forme rendait le canot légèrement plus «confortable» mais les pieds du barreur se trouvaient tout de même au même niveau que ses fesses. La barre se trouvait dans le dos du pilote, ce qui ne devait pas permettre un pilotage en finesse.
Sur la coque de Tornado, à l’emplacement de la poutre arrière, un petit profilé dépassant de chaque coté avait été boulonné. Il permettait de fixer une pantoire pour l’écoute de GV. De même à l’avant, une mini poutre servait de point de fixation à la poulie d’écoute de foc.
Voiles & voiliers N°448 juin 08
Caractéristiques :
Longueur : 6.09 m
Largeur : 7m
Poids : 160 kg environ, 230 avec le pilote
Surface de voilure : GV 16,87 m² ; Foc 5,20 m²
Longueur des foils : 2 m
Navigations
Assemblé au port des Minimes (arrivé démonté sur une remorque tractée par une DS), l’engin a volé dés sa première sortie, au près serré, par 10/15 nœuds de vent. Il semble que le premier vol n’est pas été réalisé par Eric Tabarly mais par quelqu’un de l’équipe de La rochelle…
Eric Tabarly, qui avait ancré Pen Duick VI à la Rochelle pour l’occasion, fut enchanté par le comportement tout en douceur de l’engin. Décollage et atterrissage en souplesse, passage dans le clapot et le sillage de bateaux à moteur sans soucis. De temps en temps, une jambe de force crochait l’eau mais rien de dramatique. L’envol avait lieu dès 10 nœuds, la vitesse max. atteinte lors de ces essais fut de 15 noeuds.
Hors Série Voile magazine « Tabarly » 1996
La suite
En 1976, malgré ces navigations encourageantes (durant tout l’été), en l’absence de sponsor, le projet piétine. Autre point négatif, pour réaliser un trimaran de 18 m, l’extrapolation à l’échelle 1 des résultats obtenus à partir de la maquette impliquait un poids maxi de 6,2 tonnes et des foils de 6m de long. Les matériaux de l’époque ne permettaient pas de construire un engin de ce poids et des foils de cette dimension (nous étions aux balbutiements de l’utilisation du carbone). Il a donc fallu se « contenter » de réaliser un foiler en aluminium : Paul Ricard. Mais l’idée de faire voler un hydroptère n’a jamais quitté Eric Tabarly…
Bien des années plus tard, en 1985 Alain Thébault rencontra Alain de Bergh pour lui présenter ses croquis puis Eric Tabarly. Lorsque Alain Thébault, avec l’aide d’Eric Tabarly, a souhaité relancer le projet d’hydroptère, il a voulu réutiliser cette maquette pour refaire des essais. Malheureusement, il semble qu’Eric Tabarly avait oublié de remercier Jean Garnault et l’équipe de l’IUT de La Rochelle pour leur travail (dixit A Thébault, Pilote d’un rêve Flammarion 2005). Alain Thébault essuya donc un refus, et réalisa une nouvelle maquette sur laquelle il navigua de 1987 à 1992. La suite, nous la connaissons…
Sauf erreur, la maquette de 76 après être restée plus de 20 ans remisée, serait maintenant la propriété d’une personne du team d’un tri ORMA. Je rêve d’admirer ce canot de près. Si il existe toujours, il mérite sa place dans un musée ou encore mieux sur l’eau !
Complément d’informations ou rectifications bienvenues !!
Bateaux N°594 nov 07